30 avril 2025
Chantier du Vieux Phare de Penmarc’h : préservation du patrimoine breton
Le 19 février dernier, les habitants de la commune de Penmarc’h dans le Finistère ont vécu un grand moment puisque leur Vieux Phare situé au port Saint-Pierre a retrouvé une lanterne après presque un siècle et demi d’absence. Cette nouvelle lanterne est l’œuvre de notre équipe Crézé conduite par Olivier Thébault. Nous vous proposons ici de revenir sur l’histoire de la lanterne du Vieux Phare et de sa « résurrection ».
Contexte historique du Vieux Phare
Le phare que l’on nomme aujourd’hui « vieux phare de Penmarc’h» a été construit par l’entrepreneur Rouvillois de Glomel. Mis en fonctionnement le 20 novembre 1835, il a nécessité quatre années de travaux et coûté quelque 100 000 francs or. Il se compose d’une tour haute de 38 m qui surmonte un soubassement de forme carrée. Ce soubassement abrite 15 salles sur deux étages. Lorsque la lanterne se met à briller la première fois, en 1835, c’est grâce à un feu à éclipses situé à 40 m au-dessus de la mer.
La mise en service du Phare d’Eckmühl voisin en 1897 signe la « mise à la retraite de la lanterne ». L’édifice côtier voit alors son fût côté sud peint en blanc pour servir d’ amer (« Un amer est un point de repère fixe et identifiable sans ambiguïté utilisé pour la navigation maritime. » source Wikipédia). La lanterne est déposée et remplacée par un dôme en sapin du Nord en 1898.
Le Vieux Phare sert d’habitat jusqu’en 1930 notamment pour le gardien du phare.
Sa fonction change sous l’occupation pendant la Seconde Guerre Mondiale. En effet, l’armée allemande s’en sert pour y installer un radar. À la fin de la guerre, les ennemis allemands tentent de détruire son sommet sans y parvenir. Néanmoins l’explosion aura réussi à endommager sa structure. Pour tenter d’empêcher l’élargissement d’une fente apparue sur la tour, une ceinture métallique est installée sur son pourtour. Mais cela n’a pas empêché de sérieux problèmes d’étanchéité.
Le Vieux Phare sert alors de lieu pour entreposer des matériaux.
En 1995, il devient l’écrin du Centre de Découverte Maritime qui propose une exposition permanente sur les phares et balises au rez-de-chaussée et des expositions temporaires au 1er étage de son soubassement.
Il est classé au titre des monuments historiques en mai 2011.
Restauration du phare : enjeux et objectifs
En 2021, les rudes conditions climatiques auxquelles est soumis le Vieux Phare ayant accentué ses problèmes d’étanchéité, la pérennité des salles du soubassement comme lieux d’exposition a été mise en péril. La Ville de Penmarc’h s’est donc associée à la Fondation du Patrimoine de Bretagne pour lancer un grand programme de restauration du phare en 3 étapes :
- Etanchéité extérieure
- Remise en état de l’intérieur
- Réhabilitation de la lanterne
Le projet étant, à terme, de rendre ce Vieux Phare visitable jusqu’à son sommet.
Juillet 2021 marque donc le lancement d’une campagne de souscription pour collecter des fonds suffisants à la réalisation de ces différentes phases de travaux. Et nous, chez Crézé, nous avons eu le plaisir d’intervenir sur la phase 3 : la réhabilitation de la lanterne.
Conception de la lanterne
En ce qui concerne la restauration du patrimoine en général et de la restauration de phares en particulier, notre métallerie d’art n’en est pas à son galop d’essai. En 2018, nous avons livré la lanterne restaurée du phare des Pierres Noires situé au large de la Pointe Saint-Mathieu sur la commune du Conquet. (Lien de la vidéo de France 3 Bretagne avec l’interview de notre dirigeant, Gaël Hardy, sur notre site). La lanterne d’origine avait subi de nombreuses intempéries dues à la localisation du phare en pleine mer. C’est Phares et Balises qui a mené ce projet de restauration en concertation avec les Architectes des Bâtiments de France représentés par Olivier Thomas.
En 2021, nous avons participé à la restauration du phare de l’Île Vierge sur la partie lanterne. Ce projet était sous la supervision de l’architecte en chef des Monuments Historiques, Marie-Suzanne de Ponthaud.
Phare de l’Île Vierge et sa lanterne restaurée
Forts de nos expériences avec ces 2 phares, nous avons de nouveau été consultés par Madame de Ponthaud, et sa collègue, Camille Chevalet, sur le projet de réhabilitation – recréation de la lanterne du Vieux Phare de Penmarc’h pour lequel nous avons été retenus.
Nous l’avons évoqué précédemment, le Vieux Phare n’avait plus de lanterne depuis 1898. C’est sur la base de croquis et dessins effectués par le cabinet de Madame de Ponthaud que nous avons travaillé, dans notre bureau d’études, pour rendre le projet techniquement réalisable et pérenne.
La réalisation de cette nouvelle lanterne a requis une phase d’études de 3 à 4 mois au cours de laquelle de nombreux échanges ont eu lieu entre notre bureau d’études, le bureau de l’architecte des Monuments Historiques et le bureau de contrôle.
La phase de fabrication en atelier, elle, totalise 1100 heures de travail étalées sur 14 semaines à 2,5 ETP (équivalents temps plein).
Enfin, la pose de la lanterne a mobilisé notre équipe de 3 personnes pendant deux semaines.
Phase de pose : remontage de la coupole au sol
Pour avoir un aperçu de ces deux semaines de pose, nous vous proposons de visionner la vidéo du time lapse que nous avons réalisé :
Matériaux et techniques de construction
Initialement prévue en acier simple sur les plans, nous avons suggéré aux maîtres d’œuvre de fabriquer la nouvelle lanterne en laiton ainsi que nous l’avions fait pour le phare des Pierres Noires. En effet, le laiton résiste mieux aux aléas météo rencontrés en bord de mer et permet donc un ouvrage plus durable. À la différence des phares des Pierres Noires ou de l’Île Vierge, il ne s’agissait pas ici d’une restauration mais bien d’une recréation. Nous avons dû fabriquer, pièce par pièce, une lanterne neuve qui donne l’impression d’être d’origine.
Cet ouvrage est la plus grande lanterne de phare qu’il nous ait été donné de travailler :
- Trois mètres quatre-vingts de diamètre
- Six mètres soixante-dix pour la hauteur totale incluant la partie vitrée, la coupole et la girouette
Notre savoir-faire et notre maîtrise technique ont été particulièrement utiles sur le travail de la coupole qui a représenté la partie la plus challengeante de la fabrication. Sur ce chantier, notre connaissance sur le travail du laiton et la manière de bien le souder a aussi constitué une de nos forces. Par ailleurs, nous nous sommes entourés de partenaires pour fabriquer cette lanterne : la fonderie Renouard d’Héric et la société MDPI de St Symphorien pour la découpe de pièces au jet d’eau.
Quant au levage de la lanterne sur le sommet de la tour du phare, nous avons pu compter sur le professionnalisme de l’agence Mediaco de Pont-Labbé.
- Start lifting the reconstructed lantern
- The Vieux Phare’s new lantern raised to the top of the lighthouse
- Sealing the lantern at the top of the Old Lighthouse
- Crézé craftsman at the top of the lantern dome of u Vieux Phare
Protection du patrimoine historique
Prendre soin des phares de nos côtes ce n’est pas seulement prendre soin de la sécurité des visiteurs de ces édifices ou de simples bâtiments avec un usage fonctionnel. C’est participer à la protection du patrimoine breton. Pour citer l’adjoint à la culture de la commune de Penmarc’h, Gilles Bernard, « c’est un patrimoine vivant, une histoire humaine : celle de la construction, des gardiens de phare, des Phares et Balises, des visiteurs…ce n’est pas que du caillou ! »
La lanterne posée, il reste encore quelques travaux pour achever la rénovation et restauration de ce monument et nous aurons le plaisir d’intervenir encore sur ces éléments :
- Restauration des escaliers intérieurs
- Création d’un escalier neuf
- Restauration d’un portail
- Création de garde-corps, mains courantes, grilles et balustres
Réouverture du phare au public prévue en septembre prochain, si tout va bien, pour retrouver son espace muséographique maritime au rez-de-chaussée et ouvrir pour la 1ère fois de son histoire, la visite jusqu’à son sommet ! Une nouvelle page pourra alors s’écrire. En attendant de pouvoir en faire son ascension, vous pourrez toujours jeter un oeil sur « notre » lanterne depuis le phare d’Eckmühl qui offre une très belle fenêtre sur son petit frère 😉
C’est toujours une véritable fierté pour Crézé que de participer à ces projets de conservation du patrimoine. À cet effet, nous souhaitons remercier Marie-Suzanne de Ponthaud et la commune de Penmarc’h pour la confiance accordée.
*crédit photo image de couverture : Ville de Penmarc’h